Chico - Portland

3000 miles de road trip dans l’Ouest américain en trois semaines.
Dernière étape : La côte Pacifique Nord

Puisqu’il fait encore trop froid pour remonter le nord du pays par les terres, on opte pour la côte. Après une nuit de jeux vidéo et de chips sur des canapés, on reprend la route très tôt pour rejoindre la forêt de Redwood avec ses séquoias géants, ses wapitis sauvages et ses fougères foisonnantes.

À deux reprises au moins au cours de notre voyage on nous a parlé de Fern Canyon, paraît-il l’un des plus beaux endroits du monde, alors forcément, ça a piqué notre curiosité. Pour s’y rendre il faut traverser le parc national par la route, puis parcourir quelques kilomètres en voiture sur une piste et terminer à pied, les pluies des jours passés ayant provoqué un glissement de terrain. Sur les derniers mètres, le chemin traverse des champs jonchés de panneaux d’avertissement plutôt explicites : wapitis avec petits = agressifs = passez votre chemin. Mais ils ne se montrent pas. En revanche, on voit de plus en plus de fougères, façon forêt tropicale en moins chaud.

La balade en elle-même est une petite boucle. On suit le lit la rivière Home Creek en équilibre sur les troncs morts et les rochers et forcément, on se mouille les pieds. À mesure qu’on s’enfonce, les parois s’allongent et se creusent et sans qu’on s’en rende compte, se transforment en véritable gorge. Ses façades sont couvertes de fougères verdoyantes et de mousses luxuriantes. Certaines espèces seraient vieilles de plusieurs centaines de millions d’années, ce qui a poussé Spielberg à y tourner une scène de Jurassic Park II.

Alors qu’on finit notre petit tour, le temps se couvre et la journée se termine tranquillement. Les gardes forestiers nous ont parlé d’un campement gratuit au milieu d’une clairière à Flint Ridge, sur l’un des bords du parc. Il faut marcher quelques centaines de mètres pour accéder au site mais ça vaut vraiment le coup. On rencontre nos voisins d’un soir sur le petit parking, des hippies venus passer le week-end entre amis. Ils sont une bonne dizaine à trimbaler guitares, bollas et gros fait-tout, prometteurs d’une bonne soirée.

Les quelques emplacements sont assez épars, cachés les uns des autres par les herbes hautes. On se trouve sur le bord d’une falaise qui donne sur le Pacifique et même si on ne voit pas grand-chose à cause de la brume grise, on entend jaser les phoques sur la plage. C’est sauvage et beau. On trouve une table, un foyer et une boite à ours. Enfin, anti-ours plutôt, pour ranger toute la nourriture et tous les produits hygiéniques (oui, même le papier toilette). C’est la première fois que le temps est aussi incertain et comme nous avons toujours du matériel assez précaire, on trafique une protection supplémentaire avec une couverture de survie.

Comme on veut profiter de la journée, on se lève assez tôt le lendemain. On a de la chance et il recommence à bruiner une fois notre tente rangée. On part du centre d’information de Elk Prairie pour y observer des wapitis qui la fréquentent très souvent et on prend le sentier du même nom pour rejoindre le chemin des Cathedral Tree. Cette boucle bien entretenue et accessible traverse la forêt de séquoias et permet de découvrir quelques-uns des plus vieux arbres du parc, comme le Big Tree, qui avec ses 6 mètres de diamètre et du haut des 1500 ans et 92 mètres, donne des allures de petites bougies à ses camarades.

On poursuit la route après ces rencontres fantastiques pour filer découvrir la partie nord du parc. Parce qu’on a envie de pimenter l’aventure (et que le garde forestier nous l’a recommandé), on prend Howland Hill Road, cette fameuse piste couverte de nids de poule qui traverse les arbres géants. Avec un peu d’obstination, on finit par arriver à Stout Groove, notre dernière balade dans le parc, toujours au milieu des séquoias, des limaces banane (parce qu’elles sont jaunes et plutôt très grosses) et des fougères.

À ce stade, on n’est plus très loin de la frontière de l’Oregon. On fait une pause lorsqu’on l’a passée et déjà tout semble accueillant. On goûte un moka à la rose dans un petit café du bord de mer et on file vers notre prochain campement, à Lake Floras. Arrivés là un peu par hasard et on découvre un petit camping tout mignon avec une vue sur l’eau, à un bras de sable du Pacifique. C’est la fin de journée mais le soleil est encore bien présent et on installe la tente avant d’aller profiter de son coucher sur la plage. L’endroit est paisible.

Après avoir remballé notre campement, on se lance à la recherche d’un bon café pour commencer la journée ! C’est comme ça qu’on finit par pousser la porte du Floras Creek Coffee Co, à Langlois. Billy, William, Guillaume, Guillermo, la petite soixantaine et l’air décontracté nous accueille. Cet ancien pilote de ligne, a toujours été passionné de kite surf et comme le coin s’y prête bien, il a acheté une petite cabane au bord du lac. Depuis 18 ans il s’y est installé à plein temps parce qu’il « aime bien sa petite ville » et a ouvert son café. En nous servant un grand verre de chaï latte, il nous conte des histoires de Tour de France, qu’il a eu l’occasion de suivre pour de vrai, une fois : « Faire du vélo et boire du bon vin : j’en garde un bon souvenir ».

Pour le déjeuner, on s’installe au milieu des collines de sable à côté de Dune City, d’où l’on aperçoit quelques souffles de baleines et des otaries venues visiter le rivage. Notre parcours épouse la côte Pacifique le long de la célèbre Highway 01, qui zigzague à flanc de coteau. On s’arrête de temps en temps pour admirer la vue et la ligne d’horizon qui se perd loin dans la mer. En arrivant à Pacific on découvre son énorme rocher dans l’eau, sa microbrasserie Pelican brewery et ses ribambelles de surfeurs qui attendent la vague ou préparent des feux sur la plage.

On se replie un peu dans les terres pour passer la nuit dans la forêt de Tillamook. La route coupe à travers de vastes champs de céréales, passe devant « AIR MUSEUM », un musée de l’aviation hébergé dans un ancien hangar de dirigeables de la US Navy, sillonne à travers des villages et des clichés de fermes américaines, avec leurs granges rouges, leurs silos à grains et leurs vaches curieuses. L’asphalte laisse place à la terre et aux graviers à mesure qu’on s’enfonce dans la forêt. Il faut persévérer encore plusieurs kilomètres pour trouver les emplacements pour camper librement et on appréhende un peu les bosses avec notre petite voiture citadine. Il n’y a pas grand monde mais on n’est pas tous seuls pour autant, on voit passer quelques jeunes gars avec leurs 4×4 qui pénètrent encore plus loin entre les arbres visiblement pour faire la fête et griller autre chose que des chamallows.

Le lendemain, on trace la route pour arriver le midi à Seattle et profiter de notre journée. C’est Joan, la cousine de Joan (vous suivez ?) qui nous héberge quelques jours, mais on ne la rencontrera que le matin de notre départ à son retour d’un week-end de noces. Nous venons de parcourir plus de 3000 kilomètres en trois semaines, on a vu des paysages incroyables et d’autres qui nous semblent déjà plus familiers, on est passé de la montagne à la mer, du désert aux forêts verdoyantes et nous voilà enfin à Portland, sans voiture et avec nos sacs sur le dos, prêts pour la prochaine aventure.