Pour faire face au fléau du bullshit, Girls Build remet les savoirs pratiques sur le devant de la scène, pour tenter de faire des petites filles d’aujourd’hui les adultes indépendantes de demain.

Avant, on savait réparer un moteur, stopper une fuite ou faire son plein d’essence. Les enfants pouvaient choisir des matières manuelles pour affiner leur dextérité, on valorisait les parcours techniques. Et puis, la société de services a pris le dessus, les financements des options se sont réduits à peau de chagrin et on ne parle plus que d’université et tant pis pour les autres. De l’école à la vie adulte, on a perdu l’habitude de faire des choses avec nos mains (et parfois même de notre cerveau).

Katie a fait la fac en projetant de faire carrière par la suite en tant que travailleuse sociale. À la fin de ses études, elle devient bénévole dans une association qui fabrique des maisons pour des personnes sans-abri et elle y apprend les rudiments de la charpenterie. Au terme de ce programme, on lui propose un poste de charpentière et faute d’offre dans son domaine, elle accepte. Elle s’engage en parallèle dans d’autres NPO (non-profit organizations) qui accompagnent les femmes pour les aider à s’intégrer dans le monde très masculin de l’industrie du bâtiment.

En 2016, elle décide alors de monter sa propre association, Girls Build. Elle coordonne les activités depuis son petit bureau situé dans le Rebuild Center, un autre programme dédié au recyclage de matériaux. Pour commencer, elle propose un camp d’été de deux semaines sur le thème du bricolage pour des jeunes filles ayant de 8 à 14 ans, à Portland. Une initiative si bien accueillie qu’en trois éditions elle a multiplié les destinations et organise des stages aux quatre coins de l’Oregon (et même à Seattle). Et elle prévoit d’en ajouter deux nouvelles à partir de l’an prochain, en plus d’un stage avancé pour les jeunes qui auraient déjà plusieurs camps à leur actif.

Chaque stage accueille ainsi entre 40 et 50 filles. Elles participent à 4 ateliers par jour (soit une vingtaine par semaine) au cours desquels elles peuvent aussi bien apprendre à réparer leur vélo qu’une fuite de bouche d’incendie sur la voie publique ou fabriquer une Tyrolienne, une cabane (offerte à une association locale à la fin du camp) voire une boîte à outils. Les temps informels sont aussi l’occasion pour ces bricoleuses en herbe de se rencontrer, que cela soit lors des phases de rangement ou autour d’un jeu, d’un repas.

En plus d’être bien occupées pendant la journée à créer, expérimenter et utiliser leurs mains, les filles apprennent des techniques concrètes qui pourront les aider dans leur vie quotidienne. Mais surtout, cela leur donne la confiance suffisante pour entreprendre ce qu’elles souhaitent : « Quand tu sais comment les choses fonctionnent, tu peux naviguer autrement dans la vie, ce n’est plus aussi impressionnant d’essayer et de se lancer dans de nouveaux projets ».

Alors quand la grand-mère de l’une vient se renseigner pour offrir une scie sauteuse à sa petite-fille, Katie se dit qu’elle a réussi à susciter des envies. Parce que oui, l’association apprend aux jeunes à utiliser des outils d’adultes. Les plus légers possible mais quand même. Cela fait d’ailleurs partie de la démarche de responsabilisation. Et du piment de l’expérience.

Mais que l’on se rassure, elles sont bien entourées, avec au moins deux instructrices par atelier, sans compter les bénévoles qui viennent donner des coups de main. Et bien qu’elles peuvent changer d’une année sur l’autre, les instructrices sont toutes des femmes, pour moitié des expertes dans un domaine lié à la construction, pour l’autre moitié des animatrices confirmées.

Certains parents ont conscience qu’ils surcouvent leurs têtes blondes et veulent les aider à développer des connaissances et capacités. D’autres y voient au départ juste une occasion de les éloigner de leur téléphone portable. Dans tous les cas, les résultats sont toujours au delà de leurs attentes, lorsqu’ils découvrent le dernier jour (et pas avant) toutes les réalisations de leur progéniture. Un couple confie même qu’il compte désormais sur sa fille pour réparer des petites choses dans la maison puisque personne d’autre ne sait le faire.

« Quand tu sais comment les choses fonctionnent, tu peux naviguer autrement dans la vie, ce n’est plus aussi impressionnant d’essayer et de se lancer dans de nouveaux projets ».

Katie, Directrice de Girls Build

Au fil du temps, Girls Build a également développé des stages durant l’année scolaire, des programmes de 6 semaines en partenariat avec d’autres associations locales, des entreprises ou encore l’université. Le tout permet de diversifier les sujets et de développer un vrai réseau pour la suite. Cela donne aussi une chance à toutes les petites filles de la ville d’expérimenter, même si les stages d’été sont complets. Ce qui arrive en général en à peine quelques heures.

Pour garder un pied dans le social, l’association prévoit également quelques places pour accueillir gratuitement des enfants de l’assistance publique à participer aux activités avec les autres. Girls Build est même allée plus loin en offrant des ateliers en prison pour femmes mineures incarcérées. Cela concerne des filles âgées de 12 à 20 ans. « Dans le bâtiment, on se fiche que tu aies un casier. Il y a du boulot, tu as une retraite, une assurance maladie, c’est une vraie option qu’elles peuvent envisager pour se réinsérer en sortant ».

©Girls Build

À terme, Katie souhaite que l’association ait son propre espace pour pouvoir accueillir des jeunes filles en continu, lors d’ateliers ou juste pour se rencontrer et accompagner celles qui le veulent vers de nouvelles vocations. Avec l’espoir et l’idée de les aider à intégrer des formations et des chantiers. Et cela leur permettrait de répondre à la demande de plus en plus pressante des mamans et  femmes adultes qui souhaiteraient elles aussi s’émanciper en apprenant à changer une roue ou réparer une fuite. En résumé, un lieu qui pourrait contribuer à « construire un monde plus accueillant pour des femmes curieuses et confiantes ». Et construire, Girls Build sait très bien le faire comme bientôt tout un tas de jeunes filles.

NB : tout le mérite et le crédit des photos des jeunes bricoleuses reviennent à l’association ©Girls Build.