San Francisco - Yosemite

3000 miles de road trip dans l’Ouest américain en trois semaines.
Deuxième étape : la Highway 1.

Après l’expérience d’une nuit glaçante à Joshua tree, notre halte du côté de San Francisco nous donne l’opportunité d’améliorer notre matériel. Grâce à notre hôte et bienfaitrice, Joan, qui a accepté de nous héberger sans même nous avoir rencontré et que l’on sait déjà être un personnage hors-norme.

En plus d’avoir gagné un triathlon où il faut réussir à s’échapper d’Alcatraz à la nage, elle a également traversé les États-Unis d’Est en Ouest à vélo. De quoi vous faire relativiser rapidement votre propre aventure. Auréolée de ces expériences, sa maison est ainsi remplie de mille trésors pour les voyageurs de passages. On accepte avec joie son offre de nous prêter un sac de couchage supportant des températures négatives et deux tapis autogonflants. Notre mission, en contrepartie, sera d’acheminer un colis de porcelaine jusqu’à Seattle : facile.

De cette escapade à San Francisco, on retient un excellent déjeuner chez Greens, une institution qui depuis 35 ans propose une cuisine végétarienne. Situé au bord de l’eau, ce lieu à la décoration simple fait partie intégrante du San Francisco Zen Center et propose des produits locaux cultivés dans son potager, de l’autre côté du rivage. Les maisons flottantes de Sausalito, de l’autre côté du Golden Gate, un paradis pour anciens hippies et nouveaux millionnaires. La décence voulait aussi que l’on aille suivre les pas des auteurs de la Beat Generation, dont l’un des temples encore sur pieds est la librairie et maison d’édition City Lights. Basée au même endroit depuis plus de 60 ans, on s’aventure avec bonheur du sous-sol, qui abrite livres spécialisés, comic books et romans de gare, jusqu’à l’étage, havre de paix dédié à la poésie.

Pour le reste, du très touristique Fisherman’s Wharf jusqu’à Castro, difficile de fermer les yeux sur une misère sociale qui côtoie les Tesla rutilantes des employés au salaire à 6 chiffres de la Silicon Valley. Des graffitis engagés de Mission Disctrict aux groupes de SDF situés dans Haight Ashbury, les victimes de cette gentrification gloutonne sont visibles partout. Si le processus a été enclenché il y a maintenant plus d’une dizaine d’années, il fait craindre une transformation de la ville en un Manhattan de la côte Ouest, vidé de ses artistes et de son âme.

En route vers Big Sur

Le coffre de notre Ford Focus rempli de ces nouveaux gadgets, on quitte finalement la quiétude de Mill Valley avec l’idée d’éviter le péage du Golden Gate. Si l’on y gagne une trentaine de dollars, les deux heures passées ensuite dans les bouchons nous amènent à réfléchir au véritable bénéfice, ou non, de l’opération. Avec un peu de patience, la plage de Pacifica connue pour être un spot à baleines s’offre finalement à nous. Malheureusement, les cétacés se la jouent Moby Dick et ne daignent pas se montrer. Après ces espoirs déçus, on change de chimère et l’on se trompe de plage pour la pause déjeuner. Alors qu’on cherchait des surfeurs à Maverick, on ne partagera finalement la plage qu’avec une grand-mère et son petit-fils en pleine pêche à pied. Sans doute une scène coupée de Point Break.

Tout sera oublié une fois arrivés à Pigeon Point où les baleines mettent fin à la partie de cache-cache. On les repère par leurs respirations qui viennent troubler l’horizon, telles des locomotives sous-marines. La journée se poursuit le long du rivage et sous le soleil avec en bonus l’ambiance de fête foraine propre au front de mer de Santa Cruz ; on frémit même à l’idée d’y voir une rosalie. Heureusement, ou non, le public s’avère être un savant mélange entre La Baule et la Foire du Trône, torse-nu et pull sur les épaules.

Ne sachant toujours pas où nous allons dormir le soir même, on décide alors de s’arrêter aux alentours de 18h à Carmel by the Sea, ville côtière et bourgeoise. L’heure filant, on s’empare de quelques bières pour échafauder notre grand plan logement sur le sable de Monastery Beach et profiter du coucher de soleil sur le Pacifique. Une otarie joue sur le rivage, se laissant porter par le courant..

Le soleil couché, notre seule piste est pour le moins précaire. Ainsi, nous allons passer la nuit sur un parking de supermarché, mais pas n’importe lequel puisqu’il est noté 5 étoiles et recommandé par les internets. À peine arrivés, on peut déjà remarquer deux camping-cars et un van sur le parking qui nous laissent penser que d’autres ont eu la même idée. Notre campement se met alors en place dans le coffre d’une Ford Focus, et l’on s’endort sur le parking du SafeWay.

Le réveil est difficile, néanmoins on profite d’avoir un supermarché à la porte de notre “chambre” pour aller y chercher notre petit-déjeuner. Requinqués comme jamais, on se dirige alors à quelques kilomètres de là vers Point Lobos. Ce parc est une avancée de terre américaine sur le Pacifique où l’on trouve des otaries par paquets de douze, surplombées ici et là par quelques mouettes rieuses. On en fait le tour en 3 heures, de quoi nous laisser ensuite le temps d’explorer la côte le long de la mythique highway 1.

L’ombre de l’écrivain américain Henry Miller plane sur ces terres et une librairie qui ne vend que ses livres se trouve à quelques encablures de l’océan. Chaque parking est la promesse d’une nouvelle randonnée, nous amenant ici sur une plages déserte et là vers une autre, inaccessible, dont on admire de loin une chute d’eau qui s’y déverse.

Il est alors temps de rebrousser chemin car l’éboulement de 2016 empêche encore de profiter de la Highway dans son intégralité [elle vient de rouvrir mi-juillet]. Il n’est ainsi plus possible de sortir de Big Sur par le sud, le nord est l’unique point d’accès. Avec un seul conducteur, une conductrice, dans le groupe, on s’autorise une pause bière et ping-pong sur les hauteurs avec le Pacifique en arrière-plan, le public est en délire dans ses mocassins à glands.

Direction Yosemite

Lendemain qui chante, et qui pique aussi puisque nous avons à nouveau passé la nuit dans le coffre de la voiture. Un chai latte et on fait confiance à Google Maps pour rejoindre Yosemite à quelques 360 kilomètres d’ici au Nord-Est. Le trajet nous fera passer par une Californie moins charmeuse, rurale et plate. La magie opère par contre dès les premières enfilades dans Yosemite Valley : face à nous s’ouvre une série de paysages à couper le souffle en une poignée de kilomètres, des sommets et des chutes comme s’il en pleuvait. Ne cherchez pas de meilleurs décors si vous souhaitez cloner des dinosaures.

Après un rapide passage devant Bridalveil Falls on manque de se faire ensevelir sous le flot de touristes qui donnent au lieu des allures de Champs Élysées un samedi après-midi. Le bon moment donc pour descendre tranquillement vers la sortie Sud du parc et joindre Bass Lake. Cette charmante petite ville est connue pour son lac, mais aussi, on le découvre en ce samedi 12 mai, pour son marathon qui se déroule le jour même.

De quoi nous donner du fil à retordre dans notre quête d’un emplacement de camping, que l’on trouvera finalement pour le prix d’une nuit en AirBnB mais avec vue sur le lac et assez de bois pour faire un feu. De quoi reprendre des forces et dormir confortablement avant le lendemain d’entamer les choses sérieuses et les randonnées de plusieurs heures dans Yosemite.

Bilan carbone : 525 miles

On a dormi : 2 nuits dans le coffre d’une Ford Focus

On a gagné : 3$ sur un pack de bières locales et des buches

On aurait pu éviter : le détour par Richmond pour quitter SF

On recommande : Greens, Point Bonita (dimanche et lundi de 12h30 à 15h30 l’accès au phare est ouvert), Pigeon Point, Point Lobos, Andrew Molera (petite rando vers la plage)